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Louisa AMMI-SID
ALGERIE

Source : http://www.iut.u-bordeaux3.fr

© Louisa AMMI-SID

 
 

Témoigner
pour la liberté de s’exprimer

Contrastée. Quand on rencontre Louisa Ammi-Sid, on ne peut s’empêcher de penser à un cliché en noir et blanc. Un cliché semblable à ses photos. Directes, parfois violentes, mais toujours extrêmement sensibles. Justes. Petite, menue, en jean, basket et bonnet, Louisa est avant tout un concentré d’énergie. Prête à bondir pour arracher un instantané, mais aussi fragile, désemparée face à la violence.
Une énergie qu’elle déploie tous les jours quand il s’agit de s’imposer sur le terrain face à ses confrères masculins. Une force qui lui permet aussi de continuer, malgré la trouille, malgré les risques du métier.
S’imposer, foncer, défier. Ces mots reviennent et rythment le discours de la jeune femme. Ils dessinent la trame de son parcours. S’imposer pour devenir photographe de presse, défier quotidiennement les autorités, les codes de la société musulmane pour réussir à travailler et couvrir l’actualité. La vie de Louisa Ammi-Sid ressemble à un grand combat. "Je me suis imposée à ma manière, dans ma famille, dans la société et dans mon milieu professionnel", raconte la jeune journaliste, "parce que dans ma famille on ne voulait pas que je fasse ce métier, et parce que dans le milieu des hommes on dérange". Louisa est donc une des premières femmes à exercer ce métier dans les années 90 : "A l’époque nous n’étions pas nombreuses et ça n’était pas facile. Par exemple quand il y a un enterrement après un massacre collectif, la religion interdit aux femmes d’ entrer dans un cimetière. Maintenant la profession s’est féminisé beaucoup plus (…) ça me donne du courage."


" Les conditions de travail sur le terrain"
"Le métier des journalistes : le devoir de témoigner."

Louisa
en quelques dates :
1993/94 : Premier contrat en tant que photographe au Quotidien d'Algérie
1994/97 : Après la suspension du Quotidien d'Algérie pour raisons financières, Louisa est engagée à la Tribune
1998 : Louisa intègre l'équipe du journal Liberté
1998 : Participation au festival de photojournalisme "Visa pour l'image" à Perpignan

Rester en Algérie malgré tout.

Pour la jeune femme, tout a commencé dans "les années noires", celles des massacres et de la violence terroriste. "Quand j’ai commencé, je voulais faire de la photo artistique (…) Finalement je me suis retrouvée dans le bain malgré moi. Et j’ai continué jusqu’à maintenant", résume Louisa en souriant sur l’ironie du sort. Elle raconte sa peur d’alors, quand il s’agissait d’aller sur le terrain et d’affronter la mort et les attentats. Elle raconte aussi le déclic, quand son frère lui a proposé de quitter l’Algérie, comme la plus grande partie de sa famille, afin qu’elle soit plus en sécurité et qu’elle puisse exercer sa profession plus facilement. "Là, j’ai dit non. Je veux rester ", s’exclame Louisa sur un ton qui laisse aujourd’hui, encore, transparaître la volonté et la conviction. "Il fallait s’imposer, foncer, défier, mais on a arraché notre manière de travailler."
Aujourd’hui, Louisa a 31 ans. Depuis près de 10 ans, elle est tous les jours sur le terrain et raconte l’actualité algérienne en instantanés. D’abord pour le Quotidien d’Algérie, puis pour La Tribune et enfin, pour le journal Liberté depuis 1998.

"Les années noires c’est du passé"

La photographe raconte aussi les conditions de travail difficiles de ces années-là. "C’était les islamistes, les interdictions des autorités, les autorisations ; c’était difficile de s’approcher de la population et de faire un travail de proximité." Logements sécuritaires, difficultés d’accès à l’information, de circulation. Exercer le métier de journaliste en Algérie reste compliqué au quotidien. Mais plus fort que tout, on sent chez Louisa le désir de tourner la page. Celui d’aller de l’avant. "Les années noires c’est du passé, ça remonte à longtemps, témoigne la jeune femme. C’est du passé que je laisse dans ma boîte noire et que je ressortirai un jour pour le raconter à mes enfants ". Aujourd’hui, il y a moins de massacres "c’est plus comme avant" insiste la journaliste, "J’arrive à faire des photos de la vie quotidienne des Algériens. Avant les images que voyait la presse étrangère, c’était uniquement des photos macabres. Maintenant on dit : voilà ce sont les photos qu’on a faites, ça y est, c’est fini, et maintenant voilà l’Algérie d’aujourd’hui."

Témoigner

Manifestations, massacres, mais aussi scènes de rue, portraits d’enfants, défilés de mode, les photos de Louisa reflètent cette variété de l’Algérie. Et si les femmes et la jeunesse sont régulièrement immortalisées par l’objectif de la photographe, la jeune femme se défend de toute démarche militante. Ce qu’elle veut, c’est témoigner. "Je montre des femmes parce que c’est elles que l’on voit après les massacres, ce sont elles qui enterrent les morts, c’est l’actualité qui se reflète dans leur visage." Et elle poursuit, "c’est mon pays, je dois témoigner. C’est pour la liberté d’expression et la condition féminine. (…) On a passé un moment difficile, mais aujourd’hui je suis contente parce qu’on a marqué l’Histoire. On a laissé des traces, on a laissé des documents et on ne peut pas falsifier cela. "


Léa-Lisa Westerhoff

 

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